Manifestation contre l’omerta aux Ulis
«Tenez, c’est une manifestation de soutien aux jeunes filles qui ont été violées aux Ulis, pour que cela cesse, que les gens osent parler. » Brigitte Verniere n’a pas ménagé ses efforts. Toute la matinée d’hier, les bras chargés de tracts, cette habitante des Ulis a distribué des petits papiers annonçant une marche silencieuse, organisée ce matin, pour « briser la loi du silence ».
Le 1er avril dernier, deux jeunes filles de 14 et 15 ans avaient porté plainte pour viol. Cinq garçons de 15 à 17 ans avaient ensuite été placés en détention provisoire… Mais les familles des victimes avaient subi des pressions. Après l’incendie du hall de leur immeuble, l’une d’elles a même choisi de quitter Les Ulis, en attendant un relogement hors du département (lire ci-dessous). Pour Brigitte Verniere, cette histoire est symptomatique d’une certaine « omerta » qui règne dans la ville. Elle fait aussi écho au drame qui a touché sa propre famille. Le 1er septembre 2005, son fils adoptif Anatoliy, 13 ans, avait été retrouvé mort, fauché par une voiture qui ne s’est pas arrêtée. Les multiples appels à témoins n’ont jamais rien donné. « Les seuls témoignages que la police a reçus, bien plus tard, émanaient de personnes ayant quitté la ville », raconte-elle. Hier, sur le marché, de nombreux habitants se montrent réceptifs, prêts à participer à la marche… et d’autres moins. « Des filles violées? Il y en a qui cherchent », rétorque ainsi une femme, snobant le tract tendu par Noureddine Erraïs, parent d’élève délégué. « Il y a encore du chemin à faire », soupire-t-il.
Mais c’est devant le collège Mondétour — celui des jeunes filles et des amis des présumés violeurs — que les réactions sont les plus dures. « Tu jettes ça! » ordonne ainsi un garçon, surveillant la scène depuis son vélo, à un autre collégien… qui s’exécute. Ulcérée, Brigitte Verniere bondit, récupère le papier dans la poubelle et le remet dans les mains du collégien. « Tu ne dois pas protéger des gens qui ont commis un crime! » fulmine la maman, à l’adresse du garçon à vélo.
« Il faut parler, martèle Sihem Habchi, présidente de Ni putes ni soumises, qui soutient la marche. Se taire, c’est encourager ceux qui font régner la loi du silence. » Mais parler n’est pas toujours facile… « Moi aussi, ça m’est arrivé, il y a un an », confie timidement une jeune brunette à la sortie du collège. Elle dit regretter de ne pas avoir porté plainte, mais avoue ne pas savoir si elle le fera un jour…
Départ ce matin à 10 heures du collège de Mondétour, rue des Lorrains aux Ulis.